Écrit par 13h51 Indu-Dette Views: [tptn_views]

Le gouvernement s’engage à quantifier les fraudes fiscales, sociales et douanières

Un tout nouveau Conseil d’évaluation des fraudes s’est réuni au ministère de l’Économie et des Finances,, marquant un pas significatif dans la quête de précision dans la lutte contre les fraudes. L’objectif premier de ce Conseil est de fournir une évaluation plus précise de l’ampleur de ces fraudes, avec un rapport initial attendu avant l’été.

La fraude fiscale, sociale et douanière demeure un sujet de débats passionnés au sein de l’échiquier politique, suscitant des inquiétudes et des réactions variées. Certains se concentrent sur l’évasion fiscale, tandis que d’autres pointent du doigt les fraudes liées aux prestations sociales. Toutefois, tous s’accordent sur les effets néfastes de ces pratiques sur le consentement à l’impôt et la cohésion nationale, ainsi que sur les pertes financières importantes pour les caisses de l’État. Pourtant, une question cruciale demeure sans réponse : quelle proportion des montants fraudés parvient réellement à être récupérée par l’administration fiscale ? Cette interrogation avait déjà été soulevée l’année précédente dans un rapport du Sénat sur le sujet.

Face à cette lacune, le gouvernement a pris l’initiative de créer le Conseil d’évaluation des fraudes, qui réunit une trentaine de membres issus des principales administrations concernées (Direction générale des Finances publiques, Douanes, caisses de Sécurité sociale, Pôle emploi, Urssaf, etc.). Il comprend également quatre parlementaires, parmi lesquels un sénateur socialiste et une députée de La France Insoumise, ainsi que deux économistes, Gabriel Zucman et Emmanuelle Taugourdeau, des universitaires spécialisés en droit fiscal, et plusieurs experts de renom, tels que le président de Transparency International et l’ancien directeur de la politique fiscale de l’OCDE, Pascal Saint-Amans.

Lors de la première réunion du Conseil, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a précisé que des travaux avaient déjà été réalisés, notamment par la Cour des comptes, sur la fraude aux cotisations sociales et aux prestations sociales, estimée à environ 8 milliards d’euros de part et d’autre. De plus, une évaluation de la fraude à la TVA, s’élevant à environ une vingtaine de milliards d’euros, a été abordée. Toutefois, ces estimations ne couvrent pas l’ensemble du spectre de la fraude, laissant des zones d’ombre importantes. Thomas Cazenave a souligné la nécessité de mener un travail exhaustif pour combler ces lacunes.

Afin d’obtenir une vue d’ensemble la plus complète possible, les administrations ont convenu de mettre en place des mécanismes de contrôle aléatoire dans l’ensemble de leurs réseaux. La députée de La France Insoumise, Charlotte Leduc, a salué cette décision en affirmant qu’il s’agissait de la seule méthode statistiquement valide pour quantifier la fraude, impôt par impôt, et détecter les pratiques qui échappent aux radars.

Pascal Saint-Amans, ancien défenseur de la lutte contre les paradis fiscaux, a souligné l’importance de mettre en lumière les zones d’ombre de la fraude à mesure que de nouveaux mécanismes, comme la fin du secret bancaire, se mettent en place. Il a également exprimé son enthousiasme quant au travail substantiel accompli par les administrations françaises et à l’augmentation des ressources allouées aux organismes de contrôle. Selon lui, le Conseil d’évaluation pourrait jouer un rôle essentiel en rassemblant l’ensemble des informations disponibles pour mieux orienter les moyens et les politiques de lutte contre la fraude.

En l’absence d’une estimation crédible de l’ampleur de la fraude, le gouvernement dispose tout de même d’un chiffre concret : les recouvrements réalisés par l’administration fiscale suite à ses contrôles, qui ont atteint près de 11 milliards d’euros en 2021. Un chiffre significatif, certes, mais qui ne représente que la moitié de l’estimation de la fraude à la TVA.

Le gouvernement ne prévoit pas d’attendre les premières conclusions du nouveau Conseil d’évaluation pour agir. Le projet de loi de finances pour 2024 contient une dizaine de mesures visant à renforcer la lutte contre les fraudes. Des dispositifs expérimentaux sont prolongés ou pérennisés, comme la collecte de données sur les réseaux sociaux ou l’enquête en ligne sous pseudonyme. De plus, des failles juridiques exploitées par les fraudeurs de la TVA sont corrigées, et les obligations des entreprises en matière de documentation de leurs politiques de prix de transfert sont renforcées, tout comme les sanctions associées.

À l’heure actuelle, le gouvernement refuse de fixer un objectif chiffré à son plan de lutte contre la fraude. Comme l’a souligné Thomas Cazenave, il est difficile de le faire sans une vision plus complète et claire de la réalité de la fraude. Par conséquent, l’enjeu réside non seulement dans le renforcement de l’arsenal juridique et des ressources, mais également dans la réalisation de ce travail d’évaluation essentiel.

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